Les acteurs engagés dans un système
d'échange de GES doivent acheter des quotas supplémentaires s'ils polluent plus
que leur plafond. (©photo)
Sommaire
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Définitions
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Fonctionnement
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Enjeux
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Acteurs majeurs
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Chiffres clés
·
Zone
d'application
·
Passé et présent
·
Futur
Définition et catégories
Les marchés dits du carbone sont des marchés de
négociation et d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (pas uniquement de CO2).
Ils consistent à attribuer un prix aux droits à
émettre des gaz à effet de serre (GES) afin d’inciter des acteurs - États ou
entreprises - à réduire leurs propres émissions en échangeant entre eux des
« droits à polluer ». Un « quota » correspond généralement
à l’autorisation d’émettre une tonne d’équivalent de dioxyde de carbone (CO2e) et constitue un étalon communément accepté pour les
échanges.
Un certain nombre de marchés de quotas ont été mis en
place à ce jour, notamment deux : le marché de quota issu du
protocole de Kyoto appliqué aux émissions de GES et le marché européen
d’échange de quotas de CO2.
Signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, le protocole de Kyoto (prolongé en 2012) pose les bases d’un marché
international, à l’aide de trois mécanismes de flexibilité destinés à aider les
38 pays les plus industrialisés du monde (pays listés dans l’annexe B(1)) à respecter leurs objectifs de réduction (objectifs
individuels des pays engagés) :
·
un mécanisme international d’échange
entre les pays de l’annexe B. Des UQA (Unités de Quantités Attribuées) sont
distribués aux pays concernés en fonction de leurs objectifs de réduction
d’émissions de GES fixé par le protocole. Les UQA sont vendables à d’autres
Etats ;
·
le MDP (Mécanisme de Développement
Propre) octroie des crédits d’émission de GES, dits URCE(2), aux pays investissant dans des projets réduisant les
émissions de GES dans des pays en voie de développement.
·
la MOC (Mise en Œuvre Conjointe) permet
d’obtenir des crédits, dits URE(3), grâce à l’investissement dans des projets réalisés
dans un autre pays de l’annexe B.
Des systèmes d’échange régionaux et multinationaux se
sont développés, afin de respecter les engagements pris dans le cadre du
protocole de Kyoto (ex : Union européenne, Nouvelle-Zélande) ou en dehors
de ce cadre (à l’échelle infranationale aux Etats-Unis). Il existe également
des marchés volontaires (comme le Chicago Climate Exchange) qui engagent des
entreprises à réduire leurs émissions. Chaque marché possède des
caractéristiques propres, tant du point de vue des acteurs impliqués que des
objectifs de réduction d’émissions de GES.
Instauré en 2005 au niveau européen, le
SCEQE (système communautaire d’échange de quotas d’émissions), ou EU
ETS(4) en anglais, constitue le plus important système
d’échange des crédits d’émission de gaz à effet de serre. Ce système vise à
atteindre les objectifs de l’Union européenne dans le cadre du protocole de
Kyoto. Il se trouve actuellement en phase III depuis le 1er janvier 2013 et jusque 2020.
Fonctionnement technique ou scientifique
Fonctionnement général
La conception d’un marché carbone implique d’abord de
délimiter son champ d’application en termes de gaz à effet de serre et de
participants. L’ambition du système d’échange mis en place est définie par le
niveau de plafonnement des émissions pour chaque émetteur de GES. L’existence
d’un « cap » à ne pas dépasser doit créer la rareté nécessaire pour
stimuler les échanges. Le prix des quotas est déterminé par l’offre et la
demande.
Contrairement aux autres marchés, il n’y a pas de
flexibilité de l’offre. Les différents acteurs (entreprises ou États engagés
dans un processus de réduction des émissions de GES) doivent acheter des quotas
supplémentaires s’ils polluent plus que leur plafond.
Les systèmes de plafonnement et d’échange des crédits
de carbone prévoient généralement une distribution gratuite de permis dans un
premier temps. Ils peuvent être affectés selon les taux d’émission de GES du
passé (« grandfathering »), selon des facteurs de référence
(benchmarks) ou encore par enchères.
Deux acteurs peuvent réaliser leurs transactions
de trois façons :
·
négocier directement entre eux (gré à
gré) ;
·
par le biais d’un intermédiaire
financier (plus aisé pour les petits émetteurs qui connaissent mal le
marché) ;
·
via une bourse comme BlueNext.
Un organisme de réglementation veille au respect du
plafonnement. Des registres ou journaux de transactions permettent une
surveillance globale. En cas de non respect du plafonnement, les sanctions
varient : les pays engagés par le Protocole de Kyoto ne peuvent plus
vendre de permis jusqu’à ce que le Comité du respect des engagements leur
restitue leur droit. Des pénalités financières sont prévues dans le cadre du
SCEQE.
Des standards internationaux, comme le label Gold
Standard, et dispositifs nationaux (charte de compensation volontaire par l’Ademe en France) permettent d’attester la qualité et la
fiabilité des unités carbone et d’encourager les bonnes pratiques.
Chaque État membre établit un Plan National
d’Allocation des Quotas (PNAQ) et le fait approuver par la Commission
européenne qui peut l’amender. Les principales industries émettrices de gaz à
effet de serre reçoivent alors des quotas d’émission (EUA).
Lorsqu’une entreprise produit moins de CO2 que son plafond, elle peut vendre ses surplus.
Si elle dépasse ce plafond, elle peut acheter des quotas supplémentaires sur le
marché ou réduire sa production.
Les transactions sont inscrites dans des registres
électroniques créés par les États membres. Au niveau européen, elles sont
supervisées par un administrateur central nommé par la Commission, qui traque
les irrégularités. Le système de registres européens est lié à celui utilisé
pour le protocole de Kyoto.
Contrairement au système de commerce du
Protocole de Kyoto, le SCEQE autorise le commerce avec des entités non touchées
par le plafonnement comme les banques d’investissement.
Enjeux par rapport à l'énergie
Les enjeux du marché du carbone sont avant tout environnementaux.
La Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC)
entend limiter la hausse moyenne de la température mondiale et a instauré une
politique de réduction des émissions de GES dans cette optique. Le protocole de
Kyoto impose des obligations chiffrées (Annexe B) aux pays signataires afin de
mettre en œuvre la CCNUCC. L’Union européenne et ses États membres se sont
ainsi engagés à réduire leurs émissions de GES de 8% au cours de la période
2008-2012 et de 20% au cours de la période 2013-2020(6),
par rapport aux niveaux de 1990.
En l’absence d’une taxation carbone, le SCEQE
constitue le seul outil économique mis en place par l’UE afin d’aider les pays
européens à respecter leurs engagements nationaux. L’intérêt est également
d’ordre économique selon la Commission européenne(7) :
puisque les quotas sont échangeables, les réductions d’émissions se font là où
elles sont les moins coûteuses. Le SCEQE part du principe que la solution la
plus rentable pour réduire les émissions de GES est d’attribuer un prix au
carbone.
Les systèmes d’échange locaux et marchés volontaires
non contraints par Kyoto peuvent résulter de deux types de
considérations :
·
faire de la
« pré-compliance » : anticiper que son activité va être intégrée
plus tard dans un système de prix du carbone ;
·
réduire volontairement son empreinte
carbone pour des raisons citoyennes ou d’image.
Le recours au marché pour défendre le
bien commun que constitue l’environnement fait cependant l’objet de
critiques : le commerce des droits à émettre des tonnes d’équivalent CO2 constitue un outil de gestion des émissions et
non de réduction intrinsèque des émissions. Le développement de produits
dérivés sur le marché et la spéculation pesant sur les cours inquiètent. Le
montant des pénalités pour non respect des quotas (100 euros par tonne de CO2e en 2013) est également jugé trop faible par
plusieurs ONG pour exercer un effet dissuasif sur les grands groupes.
Acteurs majeurs
Les acteurs impliqués dans le marché du carbone sont
très divers : pays, régions, entreprises, acteurs financiers, bourses,
entités de gestion et d’audit, ONG, etc.
A titre indicatif, le SCEQE concerne
actuellement près de 11 000 installations fortement émettrices de GES dans les
secteurs de l’énergie, la production et la transformation des métaux ferreux,
l’industrie minérale, la fabrication de pâte à papier, et la fabrication de
papier et de carton. Les vols aériens de la plupart des 31 pays participants au
SCEQE sont inclus dans ce marché. Des secteurs comme les bâtiments, les
transports (non aérien) ou les déchets ne sont pas concernés par le SCEQE.
Chiffres clés
·
La valeur annuelle des échanges réalisés
dans le cadre du SCEQE a atteint 77 milliards d'euros en 2011(8).
Cela représente moins d’une journée d’échanges sur le marché du pétrole.
·
Près de 45% des émissions de l'Union
européenne sont concernées par le SCEQE en 2013.
·
En octobre 2013, le prix de la tonne de
carbone sur le marché européen du carbone est inférieur à 5 euros(9).
Zone d'application
Le SCEQE constitue le système d’échange des droits à
émettre des GES le plus important au monde. Il regroupe les 28 États Membres et
trois pays voisins depuis début 2008 : l’Islande, la Norvège et le
Liechtenstein.
Le volume des échanges et le nombre de participants au
sein du SCEQE ont fortement augmenté entre 2005 et 2009, comme le rappelle une
étude(10) du Conseil économique pour le développement
durable en 2010 :
Volumes
de transactions de quotas européens depuis le lancement du SCEQE (©Mission
Climat de la Caisse des Dépôts)
D’autres systèmes se développent à l’échelle nationale
ou locale sans qu’ils soient contraints par un objectif de réduction dans le
cadre du protocole de Kyoto. C’est le cas de la RGGI (Regional
Greenhouse Gas Initiative) qui réunit sept États du nord-est des
États-Unis.
De nombreux pays se sont ainsi engagés dans la
constitution de marchés nationaux ou régionaux du carbone au Canada, en
Australie, en Nouvelle-Zélande, au Japon ou encore au Mexique. Des discussions
existent entre les partenaires internationaux pour éviter des modèles de
régulation trop différents entre les différents marchés.
Il n’existe actuellement pas d’interconnexions
directes entre les différents marchés de droits à émettre des GES mais
« quelques interconnexions indirectes via les mécanismes de projets :
par exemple, il est possible d’utiliser des crédits issus de projets Kyoto pour
faire de la compensation volontaire, un peu de compensation sur le marché
EU-ETS et sur le marché néo-zélandais. Ce n’est pas le cas sur le RGGI pour
l’instant »(11).
Les marchés de quotas en développement dans le monde,
hors SCEQE (©Mission Climat de la Caisse des Dépôts)
Passé et présent
Dès 1990, les États-Unis instaurent un marché national
sur le dioxyde de soufre (SO2) pour lutter contre les pluies acides, dans le cadre
du Clean Air Act. Celui-ci octroie déjà des permis d’émission. Il a pu inspirer
les marchés du carbone actuels bien que les deux systèmes ne soient pas
réellement comparables.
Lors des négociations du protocole de Kyoto, les
États-Unis ont défendu l’instauration d’un marché des quotas de carbone. Les
États-Unis se trouvent ainsi à l’initiative du pilier central de la politique
climatique internationale, bien que le pays n’ait pas encore ratifié le
protocole.
Au niveau communautaire, le SCEQE se
trouve dans sa phase III (janvier 2013- décembre 2020), après une première
phase pilote (janvier 2005-décembre 2007) et une phase II d’apprentissage (janvier 2008-décembre
2012).
Futur
Le renforcement et l’extension du SCEQE en phase III
(janvier 2013-décembre 2020) doit lui conférer une plus grande crédibilité. De
nouvelles installations (captage, transport et stockage de gaz à effet de serre
notamment) sont concernées. Les plafonds d’émission nationaux acceptés entre
2008 et 2012 sont remplacés par un plafond unique pour toute l’Union
européenne. Un plafond qui diminuera de 1,74% par an jusque 2020. Un système de
vente aux enchères des quotas se substituera à l’allocation gratuite qui
prévaut.
Devant le développement de nouvelles plateformes
d’échange, l’interconnexion des marchés constitue un enjeu important afin de
faire émerger un « marché international du carbone ». En 2007, un partenariat
d’action sur le carbone a été créé pour soutenir ce processus. Une connexion
entre le SCEQE et le marché australien du carbone est envisagée à l'horizon
2015(12).
Le signal-prix du carbone est
aujourd'hui trop faible sur le SCEQE pour inciter les entités concernées par le
marché à réduire leurs émissions et à réaliser des investissements dans ce
sens. Les institutions européens cherchent actuellement les moyens de renforcer
véritablement ce marché (notamment par le biais d'un gel partiel des
allocations de quotas en juillet 2013).
Concrètement
Le signal-prix (prix obtenu à l’aide de diverses actions comme les subventions, la fiscalité ou d’autres formes de règlementations) du carbone doit être suffisamment élevé et robuste sur le marché pour orienter les comportements des acteurs économiques.
Malgré son statut de référence, le marché des échanges européens a connu plusieurs chocs successifs, entraînant une variation importante des cours du prix du carbone :
- avril 2006 : chute très importante des cours suite à l’annonce de surévaluation de l’offre de quotas par rapport à la demande;
- 2009 : fraude à la TVA qui nécessite une adaptation du régime fiscal adaptable au système des quotas;
- mars 2010 : confiance des marchés mise à mal avec l’arrivée de crédits internationaux inutilisables;
- janvier 2011 : suspension du marché suite au vol de milliers de permis d’émissions dans 14 pays .
- juillet 2013 : gel des quotas de CO2 (backloading) suite à un vote du Parlement européen.
Ces chocs des cours du prix du carbone nourrissent une certaine suspicion vis-à-vis du marché européen du carbone, d’autant plus qu’il interagit avec les autres marchés.
SOURCE/ CONNAISSANCE DES ENERGIES
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